Le périple de Kanumera: Première étape de Hendaye à Nazare

A San Sebastian
A San Sebastian

Jean Bernard Faure est parti avec Josyane

d’Hendaye à bord de Kanumra le 10 octobre. Ils sont arrivés à Nazare au Portugal le 24 novembre."Nous avons pris notre temps afin de se roder à notre nouvelle vie de nomades des mers.Le bateau est actuellement à sec à Nazare" dit-il, avant de reprendre du service fin mars, direction Madère, Les Canaries et le Cap Vert... et envisager une traversée sur le Brésil.
A lire, son récit.

"Après quinze ans de travail et pas mal de problèmes à résoudre KANUMERA est prêt pour le grand départ vers des mers inconnues. Il s'agit d'une finition amateur en partant d'une coque pontée d'un OM37 en strongall, biquille, acheté chez Méta.

 

 Son premier départ, ce fut dans les airs à l'aide d'une grue de 100 tonnes pour l'extirper de son lieu d'aménagement. Tout simplement devant la maison et à côté de l'atelier ; plus pratique et plus confortable pour les nombreux aller-retour nécessaires à son achèvement.

 

 Déjà un soulagement car une première étape était passée. Après 4 mois sur la zone technique d'Hendaye, la mise à l'eau se passe sans problème et il touche pour la première fois son élément favori.

Il a fière allure sur l'eau et son assiette est correcte. Pas facile de répartir les charges avec tous les impératifs de volume. Le juge-arbitre restant l'essai en conditions réelles.

 

  Encore un an et demi de finition, aménagements divers, voiles,capteurs solaires, éolienne, annexe, bip........et quelques sorties dans la baie d'Hendaye pour valider certains équipements.

 

   En guise de test en grandeur nature, le premier grand voyage nous a amené à San Sebastian où nous avons passé une nuit pas trop cool avec les courants de marée dans la baie de la Concha. En quelque sorte, identique au tambour d'une machine à laver.

   Malgré tout, nous sommes contents de cette première sortie en autonomie. Elle nous a permis d'améliorer certains points comme les verrouillages des portes de cuisine non réalisés, des ustensiles qui nous ont tenus en éveil et un peu agacés, car ils suivaient le tangage et le roulis sans la moindre fatigue.

Laredo
Laredo

Départ prévu fin septembre car on avance dans la saison et nous ne voulons pas faire comme les grands navigateurs qui larguent les amarres par des temps où il ne fait pas bon mettre un chien dehors.

 

   Naturellement, sprint pour décoller avant le 15 octobre car nous ne sommes pas réellement prêts.

 

   Finalement, après consultation du Grib, nous larguons les amarres en fin de matinée le 10 octobre, sous l’œil, et sans doute la bénédiction de quelques uns qui étaient dans le secret de notre départ, décidé rapidement.

 

   En fait, s'il y avait eu un faux départ, on aurait fait moins de déçus. On ne voulait pas non plus rajouter à notre fébrilité bien palpable.

 

 Voilà, le sort est entre nos mains et au bout de l'étrave! Quelques au revoir après la sortie du port et nous sommes maintenant livrés à nous-même dans cette aventure que nous nous sommes imposée en décidant ce projet fou il y a quelques années.

 

   Aventure avec un grand A comme appréhension malgré tout.

 

 Vent d'Est, 5 à 10 nœuds, idéal pour envoyer le spi, encore une première. Nous l'avons gardé jusqu'à Getaria et, à l'approche de la nuit, affalé au profit du génois; on ne sait jamais.

 

   Arrivés devant Bilbao, plus un souffle! Nous avons visité cette grande ville en long, en large et en travers depuis notre place forte pour finalement nous résoudre à mettre le moteur. Sept heures plus tard, nous faisons notre entrée dans la marina de Laredo après 33 heures de navigation. Et surprise... un port de 1000 places avec à peine 150 bateaux amarrés et tous regroupés dans l'ancien port. Autant dire que l'on avait que l'embarras du choix, mais nous avons hésité malgré tout. Le pied! Un ponton complet de 32 places pour KANUMERA.

 

  Cette marina est toute neuve, à peine 4 ans. Et pour info: les prix à l'année sont intéressants, l'aire de jeu dans le coin est superbe et il y a plein de petits ports aux alentours. Le seul problème est la distance depuis notre cher pays.

 

   Deux jours de rangements divers car notre maison flottante fait un peu penser à un camion de déménagement, voire à un squat ! Il y en a partout, vu notre départ précipité.

 

   La deuxième grande étape nous mène à Gijon, avec un problème sur la prise de ris automatique un peu récalcitrante. La grande voile n'est pas trop plate mais nous sommes au portant.

 Finalement, nous arrivons au petit matin sans encombre car les conditions n'étaient pas extrêmes.

 

 Deux jours de repos et nous reprenons notre progression vers l'ouest avec cette fois une navigation musclée de Gijon jusqu'au Ribadeo. Un vent d'Est 20-25 nœuds et une houle de 2 à 3m Nord-Est. Bilan: trois déferlantes dans le cockpit et l'antenne du GPS scalpée par la bôme puisque le problème de prise de ris subsiste. A la prochaine étape, il va falloir régler ce point car la voile  n'apprécie pas trop.

 

   A l'approche de Ribadeo, plus une once de vent, donc 8 heures de Volvo pour rallier la marina de Viveiro. Ville sympathique, mais deux jours de pluie nous minent un peu le moral.

 

   Mais le beau temps reprend le dessus et l'étape qui nous mène à Cedeira se fera en partie au moteur.

 

   Premier mouillage forain dans la baie, car il n'y a pas de marina. C'est l'occasion d'utiliser notre Spade, qui a été à la hauteur pendant quatre jours. A confirmer sur des fonds autres que la vase et sable mélangés. Gonflage de l'annexe pour se mettre en quête de la fameuse Wifi qui relie les hommes lorsque les conditions optimales sont réunies. Cela reste malgré tout difficile même dans des grands ports et, en plus, le troisième âge a toujours des difficultés avec l'informatique.

 

   On en profite pour faire le ravitaillement car le frigo crie famine.

 

 Maintenant, il est temps de rejoindre la marina suivante, déjà pour remplir les réservoirs d'eau et utiliser notre petit chauffage d'appoint car les nuits sont un peu fraîches.

   Direction donc vers Sada, une marina conséquente au fonds d'un ria. Nous y resterons deux semaines puisque les vents seront capricieux et ne seront jamais favorables pendant cette période (avec parfois de la houle de 4 m au large).

 

   Nous attendrons donc pour rallier Camarinas car nous arrivons dans une zone sensible.

 Pas de quoi s'inquiéter car il y a du pain sur la planche. Vidange du moteur après 40 heures de fonctionnement, réparation d'une cosse cassée sur l'alternateur due aux vibrations,  remplacement des écoutes de trinquette car elles avaient pris de l'embonpoint avec l'humidité ambiante et avaient du mal à glisser dans les coinceurs, remplacement d'une poulie de palan de retenue de bôme,explosée par un empannage intempestif, vérification complète du gréement  et changement des axes retenant les lattes sur les chariots du full batten par des axes plus longs réalisés par un tourneur du coin à un prix largement compétitif. En effet après les contraintes de notre épopée mouvementée de Gijon à Viveiro, celles-ci étaient désolidarisées des chariots (deux lattes sur quatre).

 

   Une journée de détente pour visiter La Corogne et surtout la vieille ville.

 

   Dommage que les pontons visiteurs soient toujours situés à l'entrée des marinas, et dans le cas de Sada notre mouillage est agité en permanence. Heureusement que Morphée prend le relais chaque nuit. Par contre, les amarres fatiguent et s'usent de jour en jour.

 

Il est maintenant temps  de continuer et faire enfin une route plus Sud.

 
   

 

Mouillage dans la baie de Camarinas
Mouillage dans la baie de Camarinas

Arrivée à Camarinas grâce à Volvo qui a assuré encore les trois-quarts du trajet, puisque Éole était en RTT ce jour.

   Mouillage forain dans la baie en face du port de pêche que nous rejoindrons deux jours plus tard pour, une fois de plus, faire les pleins et musarder dans cette petite bourgade attachante.

 

   L'activité de pêche est omniprésente 24 h sur 24. On en profite pour faire une cure de tous ces produits frais et abordables avant de mettre le cap vers Baiona en doublant le fameux cap Finisterre à la mauvaise réputation. Alors, c'est avec une boule au ventre que nous abordons cette journée, peut-être inoubliable,un coin terrifiant et intraitable pour les novices de la voile.

 

  Finalement, tout à la voile, par une belle journée , 10-15 nœuds de Nord-Ouest, houle longue.

   Par contre, une inquiétude car le sondeur a brusquement indiqué 0,8m dans une zone où la cartographie Navionic n'indique rien de suspect mais la carte papier signale des hauts fonds dans le secteur. Une lacune à vérifier dès que possible. J'ai noté le point GPS.

   Notre premier grand cap était enfin franchi avant d'autres aussi hostiles par moment.

  

 

Iles Cies
Iles Cies

Arrivée dans les iles Cies en face de Baiona. Nous mouillons dans l'Isla del norte. Nous avons l'impression d'avoir changé d'hémisphère car il ne manque que les cocotiers.

L'écran de l'AIS
L'écran de l'AIS

Depuis notre départ d'Hendaye, nous avons en permanence l'AIS, qui nous a bien épaulé aujourd'hui. En effet, un chalutier nous a refusé la priorité et a insisté jusqu'au dernier moment.

 

 Nous avons naturellement cédé car il est passé à 30 m devant nous, et repris notre route à la voile.

Ensuite, juste avant notre mouillage de rêve, un paquebot de croisière venant de Vigo a viré devant nous et a manifestement gardé une route de collision alors que nous étions bien à droite du chenal de navigation. Deux projecteurs énormes en ligne de mire, fonçant sur nous et bien-entendu nous avons traversé dare-dare le chenal pour nous croiser à 50 m seulement et en prime un grand coup de corne de brume. Le doute subsiste toujours car cela était peut-être merci ou alors un nom d'oiseau à notre encontre.

  Pour la petite histoire, l'AIS permet d'être vu et surtout de voir les autres et en l'occurrence ceux qui ne sont pas manoeuvrants, style cargos, tankers et autres barres d'immeuble fondant sur vous à des vitesses largement supérieures aux votres, surtout lorsque l'on flâne un peu pour cause de pétole.

Certes, les chalutiers jouent aussi, car leur AIS est éteint toutes les 10 minutes, histoire de ne pas faire repérer leur zone de pêche. Ce qui perturbe de temps en temps car leur route est toujours différente, mais cela permet ipso facto de veiller au grain et d'assurer ainsi un visuel tant que le danger est présent.

Dans les coins de pêche très fréquentés, l'alarme retentit souvent mais c'est le prix à payer

 pour une sécurité optimale. Un autre avantage, la famille peut nous suivre in vivo, ce qui permet de la rassurer, mais la perturbe aussi parfois lorsqu'elle n'a pas d'explication sur la route suivie.

 
   
Baiona
Baiona

Après trois jours dans notre mouillage, nous rallions Baiona en 2 heures de moteur. Nous en profitons pour régler le pilote automatique en sommeil depuis notre départ de France.

 

   Accostage au ponton visiteur lui aussi tourmenté avec les chalutiers et leur ballet incessant.

Enfin, Baiona est une ville agréable et chargée d'histoire. Dommage que le port ne soit pas à la hauteur et notamment les sanitaires, un peu décevants pour les prix pratiqués. Là aussi, les amarres souffrent, les pontons gémissent toute la nuit et des grincements suspects se font entendre sur les ducs-d'albe.

Nous sommes aux portes du Portugal, maintenant, où nous pensons laisser KANUMERA pour l'hiver.

 

Il ne reste que 180 milles pour arriver à Nazare et nous décidons de faire le trajet non-stop car notre planning de voyage est déjà dépassé.

 

   Alors, nous consultons le Grib, qui depuis Hendaye a été au rendez-vous et a reflété les conditions rencontrées. Donc pas de souci, le vendredi 5 nœuds de Sud-Sud -Est et le samedi 21 novembre à 0 heure 20-25 nœuds de Nord-Ouest.

 

   Parfait pour descendre rapidement sur Nazaré.

 

 Décision est prise de quitter Baiona et après 4 heures de moteur pour toucher un peu de vent, nous envoyons toute la voilure et profitons une fois de plus pour mettre en route et régler le régulateur d'allure Atoms, lui aussi en sommeil depuis le départ. Quelques réglages plus tard, il est opérationnel à 14 heures et ironie du sort où un "bol" monstrueux, il a tenu le cap au 180° jusqu'à 7 h du matin dans une mer déchaînée car le Grib s'est bien planté, au moins dans notre zone de navigation.

 

   En fait 45-55 nœuds de Sud-Ouest, houle de 4 à largement 5 m de Nord-Est à précisément minuit.

 

 Le Grib avait vu juste pour l'heure mais pas pour cette force 10 que nous essuyons avec résignation.

 

 

 

Nazare
Nazare

KANUMERA impérial, n'a quasiment pas bronché, à tel point que nous étions tellement rassurés que pas une seule fois nous nous sommes attachés dans le cockpit, sauf pour intervenir au pied de mât pour affaler la grande voile lorsque les rafales atteignaient les 62 nœuds. Notre monture faisant alors une vitesse fond ridicule, nous avons décidé à 7 heures de rallier Leixoes pour se mettre à l'abri et respirer un peu.

 

   Encore une fois Volvo est là, le vent a viré à l'Ouest, 66 nœuds, notre record au portant mais sans voile heureusement. Plusieurs fois nous avons rincé les passavants puisque nous nous sommes trouvés parallèles aux vagues à maintes reprises. Cinq heures plus tard, nous entrons dans le port de Leixoes à l'issue d'une étape de 26 heures avec toujours 35 nœuds de Nord, maintenant, mais une mer domptée par les digues. Nous avions des protecteurs qui plongeaient dans les vagues à côté de nous, pour sans doute nous rassurer sur l'état de la mer et nous guider vers notre havre de paix. Désolés mais la tension était telle que l'appareil photo est resté au chaud et nos amis les dauphins ne seront pas immortalisés pour cette fois.

 

 Une arrivée musclée vu les conditions, les pares-battages en profitent pour monter sur le catway à l'accostage et avons un petit souvenir de notre premier port portugais.

 

 On avoue maintenant que le stress était tel que nous n'avons dormi que deux heures après l'arrivée, nous qui pensions faire le tour du cadran comme d'habitude.

 

   Le lendemain inspection complète de KANUMERA.

 

   A part une troisième latte également dissociée du chariot, qui effectivement s'est mise en travers sur le lazy-jack lors de l'affalement de la grande voile, rien d'anormal.

 

   En fait, il est surement taillé pour les moments difficiles.

 

   Je le crois, car jamais on a senti une faiblesse ou un gémissement bizarre.

 

 On avoue aussi que nous étions hors la loi, car l'ICNN qui a testé KANUMERA, nous a restreint nos conditions de mer à force 8 et maximum 4 m de creux. Catégorie de conception B. Comme Joseph Fricot de Méta nous l'avait vanté lors de l'achat de la coque, ce strongall est un tank des mers. 

 

 

   La dépression passée, trois jours plus tard nous prenons le chemin de Nazare avec cette fois un plaisir de naviguer. Car même si les conditions ne sont pas idéales à l'arrivée, nous avons bouclé notre première grande étape de 800 milles dans notre quête d'aventure.

Maintenant KANUMERA se repose hors de l'eau.

 

Fin mars, il reprendra du service après un bon lifting pour nous mener à Madère, les Canaries et le Cap Vert et envisager une traversée sur le Brésil lorsque le Grib sera efficient.

 

 Voilà le journal de néophytes qui ont, à quelque chose près, la même expérience que leur bateau.

 

Suite à un prochain numéro, mais ça sera en 2016."

 

 

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Commentaires: 1
  • #1

    mannone (lundi, 01 février 2016 14:22)

    a + pour la suite qui se fera par mer plate et bon vent comme nous l esoerons tous




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